Lao Tseu: “ L’échec est le fondement de la réussite“
Le présent article reprend un mémoire de Maîtrise de Sociologie Politique, soutenu en 2005 à l’Université Jean Jaurès de Toulouse. Il retrace les quelques points d’une réflexion qui traitait du sujet des étudiants Mahorais, vivant en France métropolitaine. La thèse défendue était celle-ci : la construction identitaire de l’étudiant serait la résultante d’une transformation de sa personnalité et d’un bricolage de l’identité.
En effet, la transformation de la personnalité est le résultat d’une intégration institutionnelle et intellectuelle au sein de l’université, et du choix de réseaux de sociabilité. Et enfin, le bricolage de l’identité serait le résultat des relations intercommunautaires comme repères d’identification dans les rapports avec les autres étudiants, et de l’individualisme rationnel et narcissique dans l’affirmation de l’étudiant Mahorais.
La transformation de la personnalité
L’université est une institution faible parce que les conditions pour y intégrer impliquent un travail de compréhension et d’apprentissage douloureux. Coulon montre que devenir étudiant nécessite la soumission à un rite de passage rythmé par trois périodes : le temps de l’étrangeté, le temps de l’apprentissage et celui de l’affiliation. Ces processus sont les étapes nécessaires pour devenir étudiant : « Apprendre son métier d’étudiant signifie qu’il faut apprendre à le devenir, faute de quoi on est éliminé ou l’on s’auto élimine parce qu’on reste étranger à ce nouveau monde ». Apprendre à devenir, c’est se transformer parce que les conditions l’exigent aussi bien du point de vue institutionnel qu’intellectuel. Et rester étranger à ce nouveau monde, ce n’est pas s’y intégrer parce qu’on refuse de considérer la rupture ethnométhodologique qui sépare l’école de l’université.
D’autre part, Felouzis décrit la transformation identitaire comme le processus qui permet à l’étudiant de se développer au sein de l’université. Dans le cas contraire, il devra changer d’orientation en espérant réussir dans un autre domaine ou tout simplement abandonner les études. L’université est une institution faible du fait qu’elle est peu capable de préciser des objectifs et des buts précis pour ses étudiants.
La non précision des modes d’organisation, des méthodologies de travail et des médias mis à la disposition des apprenants, pour leur mise en application montrent la distinction entre l’université et l’école. Il s’agit de construire ses objectifs stratégiques parce que l’intérêt que l’on porte sa discipline constitue une véritable préoccupation. Felouzis développe la nécessité pour le nouvel étudiant d’être autonome dans sa méthodologie universitaire, mais aussi dans les objectifs qu’il s’octroie pour donner sens à son activité.
La formation intellectuelle repose d’abord sur une transformation de la personnalité. Le changement de langage est le signe objectif de la transformation. C’est à travers les succès obtenus lors du processus d’apprentissage que l’étudiant montre son engouement à vouloir le rester pour s’approprier sa discipline.
Le bricolage de l’identité
L’université rime avec diversité et universalité, elle renforce l’idée de brassage des cultures à travers les liens de sociabilité. L’étudiant peut se reconnaître dans cet ensemble par le biais des interactions qu’il développe et qu’il consolide avec ses pairs. Il entre dans une phase d’adaptation pour une meilleure appropriation des codes et des principes de l’université, grâce à de nouvelles manières de penser et d’agir. Les interactions au sein et entre les communautés participent au bricolage des identités. En effet, le jugement de l’autre est le reflet de notre identité par le biais du regard qu’il porte sur nous. D’un autre côté, l’interprétation du regard et du jugement de l’autre a une influence sur leur équilibre mental. Et de dire que construire une identité étudiante ne peut se passer des interactions qui favorisent leur développement culturel.
Lorsqu’un jeune mahorais accède au statut d’étudiant, il devra passer par des périodes de découverte et d’adaptation avant de s’approprier son nouveau métier. On parle d’identification de deux cultures dans ce processus de transformation, celle de l’université et celle de la ville d’accueil. L’identification est synonyme du « vouloir devenir ». Vouloir devenir étudiant parce que la culture universitaire exige une transformation de la personnalité. Et vouloir devenir étudiant Mahorais en France métropolitaine, parce que rester Mahorais c’est revendiquer une culture, une histoire et prendre conscience de sa place dans une nouvelle société. Tout individu selon le contexte social dans lequel il vit, est à cheval entre différentes cultures, différents modes de socialisations, différents types d’apprentissages. Toutes ces caractéristiques représentent des systèmes d’interactions sociales, dans lesquels l’individu fabrique une identité qui correspond au mieux à chacune de ces ensembles.
Le langage utilisé par les étudiants qui sont à la fois intégrés sur le plan institutionnel et intellectuel révèle de l’individualisme rationnel et narcissique proposé par Dubet. L’étudiant se découvre parce qu’il construit lui-même ses liens de sociabilité en fonction de ses attentes et des objectifs qu’il souhaite atteindre. La construction de la carrière étudiante est divisée en plusieurs périodes de socialisation. Ces phases se définissent comme des étapes inéluctables dans l’apprentissage universitaire. Cette dernière est représentée objectivement par la compréhension des ethnométhodes de l’université et par l’appropriation du langage étudiant.
Il est question de penser l’identité comme une culture individuelle en mutation. Elle n’est ni la fin, ni le moyen dans une expérience sociale. Elle est une posture, permettant à l’individu d’être en équilibre dans son quotidien. Elle n’est donc jamais acquise car il n’existerait pas d’identité finie et elle n’a de sens que parce qu’elle se reconstruit. Comment l’acteur peut-il construire une identité sans mettre au centre de ses préoccupations, le projet? Ce dernier donne sens à l’activité étudiante, et lui permet d’agir dans sa quête identitaire. La transformation de la personnalité à travers l’expérience universitaire sont les fondements de son devenir.
Au demeurant, la construction de l’identité s’établit également à travers un bricolage des modèles d’identifications et des aspirations que convoite l’acteur. Les étudiants mahorais se sont pour la plupart identifiés aux étudiants africains, sans doute, du fait des représentations sociales et politiques qu’ils adoptent à l’égard de Mayotte. D’autres, avec le statut de collectivité départementale qu’a obtenu Mayotte depuis 2000, se joignent aux étudiants antillais et réunionnais. Il y a en effet quelques singularités quant à l’identité que s’attribue chaque étudiant lorsqu’il est en France. Néanmoins, les conditions de vie imposées aux étudiants mahorais en France, nécessitent une véritable réadaptation des habitudes.
Faissoil SOILIHI